En ce 3ème jour de raid Maroc, certains commencent à se dire qu’on aurait du faire des affiches “Maroc ON-road”. Les vannes des vieux motards rencontrés à Debdou nous appelant des “Bitumeux”, l’étape de 300km de route hier, les motos qui déconnent au bout de 50km de piste, tout concourt à un certain défaitisme matinal.
Heureusement, hier soir, Akim et moi avons tout prévu…
Nous avons prévu de tirer droit vers l’Ouest, sur une piste provenant de la base de données Gandini, la P6110. Tant pis pour la piste que nous avons contourné hier, aujourd’hui, on va manger de la terre! Du moins, ça, c’est ce qu’on croit ce matin-là!
Les motos vont acheter de l’huile, soit pour remplir leur fourches (KTM), soit pour remplir leur moteur (Triumph). Et ensuite?
Oh, je vous rassure, pas bien loin. 20 bornes plus loin, il faut tourner à droite pour prendre la piste. Lorsqu’on arrive là avec les 4×4, seul JK2R nous attend à l’intersection. Les 3 autres motos ont tracé sur la route, et sont probablement trop occupées à se tirer la bourre pour remarquer qu’il en manque un dans leurs rétros…
On décide donc de faire du café, en attendant qu’ils fassent demi-tour. Mon réchaud low-cost acheté le jour du départ au Décathlon de Montpellier s’avère minable, et nous attendons de longues minutes, sans que la cafetière se décide à bouillir. Némo se dit que l’endroit semble bien désert, et que cette attente serait fortement approprié à une pause pipi discrète.
Elle a donc le temps de choisir son endroit, de s’accroupir (le fondement à l’air), et de se lâcher. Elle regarde alentour, la satisfaction dans l’œil, et remarque que depuis nulle part est apparu ceci:
Une fois passés:
- les cris de Némo ayant fait fuir les brebis,
- les cris du berger qui essayait de rattraper son troupeau,
- les cris de LilYoda contre son réchaud qui n’arrive même pas à faire chauffer une cafetière,
- les cris de JK2R essayant d’attirer l’attention des motards qui reviennent à fond de balle en sens inverse sur la route,
nous pouvons donc partir sur la piste. Et là, rapidement, on se retrouve seuls…
Les motos nous attendent un peu au début, puis nous abandonnent rapidement.
On reprend la route entre 4×4. On se fait bloquer quelques minutes sur la route par un bouc qui a trop regardé les publicités pour les autos allemandes.
On roule tranquilles sur cette piste déserte, les vitres ouvertes, en profitant du paysage.
Nous sommes sur un plateau, raviné tous les 200 mètres par les pluies. Plus on avance, plus les passages de ravines se font hasardeux avec des véhicules composés de quatre roues et de plus de deux tonnes de métal.
On commence à voir des mélanges de couleurs surprenants entre les différentes couches géologiques.
Au gré d’une pose, on prend le temps de photographier les environs. Il n’y a pas âme qui vide, à perte de vue.
A la sortie d’une ravine, nous trouvons Papy seul, arrêté à coté de sa moto. Là où nous les passons à 5km/h, les motos passent environ 10 fois plus vite. Lors d’un passage un peu sportif, tel un âne se rebellant contre son chargement, la moto de Papy a spontanément décidé de ruer, et de semer les deux valises dans le désert.
On charge donc les 2 valises de Papy dans les 4×4, celui ci repart à Mach 2. le plateau est magnifique, mais assez désolé. Nous croisons quelques arbres ici et là, dont celui ci:
Le tronc est couvert depuis sa base d’une mousse de la même couleur que la steppe autour. Les premiers mètres du tronc sont donc camouflés, et seul le haut de l’arbre est visible. Ce qui crée un effet d’optique surprenant, ou le haut de l’arbre semble léviter dans le vide. C’est encore plus flagrant en mouvement, mais Némo et moi étions trop occupés à admirer pour filmer.
Nous croisons assez peu de vie sur le plateau. Quelques ânes ici et là. Les rares arbres semblent taillés à la base. Probablement les animaux qui bouffent tout ce qui est en dessous d’une certaine hauteur.
Mais au bout d’une centaine de kilomètres, soudain le sol change. Au milieu de la terre et des roches apparaît une poudre jaune…
Nous descendons une pente dans laquelle les roues des 4×4 s’enfoncent, pour arriver au fond d’un oued. Oups, pas bon! Je descend observer ce qui nous attend devant…
Nous venons d’arriver au fond d’un oued ensablé. Pire, une partie du fond d’oued est mouillée, et un mélange de sable et de glaise semble former un piège duquel nos 4×4 ne sortiront pas.
Un coup de fil de JK2R nous en dit un peu plus:
– Vous êtes arrivés dans l’oued?
– Oui, vous avez traversé où?
– Il faut tricher. Traverser là où il y a de la roche. On n’est pas loin. Vous allez vous amuser!
– Comment ça nous amuser?
– Disons que tu as bien fait de monter un snorkel sur ton 4×4…
On se regarde avec Némo…
Au bout de 200m, nous nous trouvons là encore face à des patchs de sable
– Voilà, là c’est de la merdasse jaune dis-je à Némo
– Comment on passe les rivières? Vous l’avez fait en Islande, non?
je lève un sourcil et la regarde, intrigué
– En boite courte et le pied au plancher, pourquoi?
– Ben, si ça marche dans l’eau, peut-être ça marche aussi dans le sable?
Tout le monde est OK pour qu’on mette le pied au plancher vers l’inconnu? Bien! Et donc, on ne dit rien au ZZ top et…
Nous passons l’oued, globalement sec, sans souci. La piste continue, et traverse un village. La piste termine au bout du village, devant ce qui ressemble, par la consistance et la couleur, à un fleuve de Cacolac.
Cette partie a été filmée.
Une fois de l’autre côté de l’oued, nous rejoignons les motos. Tout le monde attend Akim, qui est en train de démonter sa moto pour accéder aux bougies et vider l’eau de son moteur.
Pendant ce temps les autres motards semblent adopter des pas de danse surprenants, les pieds collés dans la glaise.
Pendant le démontage, nous observons les locaux aider deux bonne douzaines de motards à traverser. Un rallye de motos “vétérans” chevauchées par des pilotes espagnols nous rejoint. Un des mécanos de leur groupe discute avec Akim, et l’aide sur la fin à maintenir les gazs du moteur pour finir de vider l’eau
Akim finit par repartir, sous les vivats de tout le monde. Oh, là encore, pas longtemps rassurez-vous. Tellement excité de repartir, il n’attend pas qu’on bouge les 4×4, et se lance dans un passage de glaise bien profond. Et ce qui devait arriver arriva, il embourbe sa moto dans ce qui ressemble à une mare de Nutella:
Les quarante autochtones, les vingt espagnols et notre groupe vont prendre des photos d’Akim, coincé sur sa moto, les pieds rivés dans la glaise. Tout le monde (sauf Akim) rigole copieusement. Quelqu’un ira même jusqu’à écrire “KTM parking” avec le doigt, dans la glaise à coté de la moto avant de prendre une photo. Je ne dirai pas qui c’est
Puis il faut bien sortir sa moto de là. Notre “fer à repasser” sera mis à contribution:
Nous repartons fort tard, et reprenons la route de notre prochaine étape: Bni Tadjite. La piste est une autoroute qui traverse la fin du plateau.
Nous sommes entourés de montagnes. Ce qui laisse augurer d’une étape au relief plus accidenté demain.
Nous arrivons affamés à Bni Tadjite, ou nous nous jetons sur le premier resto trouvé. Après avoir dévoré la moitié d’un mouton chacun, nous allons rejoindre notre étape, l’Auberge Zitti. Nous errons dans Bni Tadjite pour trouver l’auberge. Puis nous retournons à la ville pour trouver des clopes. Puis une nouvelle fois pour y retirer de l’argent. Puis pour trouver de quoi reboucher un radiateur de KTM, JK2R ayant maintenant une fuite de son liquide de refroidissement en plus d’une fuite de sa fourche.
Bref, quand la nuit arrive, il nous semble presque avoir parcouru plus de kilomètres dans Bni Tadjite que sur la piste. Néanmoins, on a un toit sur la tête pour la nuit, de l’eau ch-
– C’est quoi ce bordel, il n’y a pas d’eau chaude dans l’auberge?
Ca c’était JK2R qui essayait de se doucher.
On rappelle le gardien de l’auberge. alors qu’il était en train de partir avec nos passeports. Soit disant pour nous enregistrer.
Une heure plus tard, l’eau chaude est rétablie, certes avec une pression ridicule, mais assez chaude. Le soir tombe, et vers 22 heures, JK2R retourne se doucher. Il est sous la douche depuis deux minutes, quand:
– Bzzzz CLAC!
Ca, c’était le circuit électrique de la maison, qui a sauté.
Tout le monde est donc dans le noir. JK2R est à poil dans la douche, en train de proférer des injures à faire rougir un marin polonais dans le quartier rouge d’Amsterdam.
Ziton & moi retournons donc à la ville, pour essayer de contacter le patron de l’auberge. Nous savons qu’il est aussi proprio de la station service, de la supérette, d’un hôtel, etc. Ça semble être les notables du coin. Ziton réussit à choper le patron au téléphone et lui passe un savon mémorable. On lui rappelle gentiment qu’il est 23 heures, qu’on n’avait pas d’eau, qu’on n’a pas d’électricité, que son gardien s’est barré il y a trois heures avec nos passeports et qu’on ne l’a pas revu. Le proprio nous propose au téléphone de nous rembourser, ce qui met Ziton en furie
– Il est 23 heures, bon sang! Tu veux qu’on aille où à 23 heures? Tu te fous de moi?
– Qu’est-ce que je peux faire alors?
– TU PEUX REMETTRE L’ÉLECTRICITÉ, NOUS RENDRE NOS PASSEPORTS, ET RÉDUIRE TON PRIX, SALOPARD, CAR IL EST HORS DE QUESTION QU’ON PAYE PLEIN POT ALORS QU’ON EST ENCORE DEBOUT ET EN VILLE A 23 HEURES!
– D’accord, d’accord!
On rentre à l’auberge, les bras chargés de bouffe pris au resto de la station service. Lorsque le caissier de la station nous indique le prix à payer, Ziton, qui a faim et veux pouvoir enfin se reposer à l’auberge, explose:
– Pour le paiement, demande à ton connard de patron!
Le caissier a écouté l’engueulade la conversation animée entre son patron et Ziton. Il rigole et nous laisse partir avec nos plats. Nous retraversons Bni Tadjite une dernière fois…
La nuit sera courte et agitée. Papy a chopé une crève monumentale, Akim fait des essais de réparation de la fourche de sa moto, à la lueur d’une frontale. Et Basti se fait lacérer le bras par un chat psychopathe et voleur.
Ce truc, en apparence mignon, était plus sournois, cruel et irascible que Caerbannog le lapin tueur!
Oups !
Concernant la confusion des antagonistes , Désolé autant pour moi !
Maintenant , quant a trouver l’inspiration pour l’écriture de la suite je n’ai aucun doute…..!
Surtout , quant on connait tes antécédents versus ( 2015 )
Pour toi ,ce sera du p’tit lait .
Hello ! les galériens
Quelle plume ce Yoda , me suis encore une fois ,régalé de le lire !
Je ne savais pas que JK2R pouvait dévisser à 23 h ?
En tous les cas ,comme négociateur , il m’a l’air d’être au point !
La suite …!! la suite !!! la suite !!!!
A++++
Z
C’est Ziton THE négociateur. JK2R était trop occupé à essayer de retrouver ses fringues et se rhabiller dans le noir