J2 – Puddle of Mud

Le 1er Octobre, nous partons donc

  • avec une équipe qui n’a pas encore fait un mètre de piste ensemble
  • pour une étape trop longue
  • sur une trace inconnue
  • avec une météo annoncée comme cataclysmique

La trace de la journée fait au total 354 kilomètres. Mais les 50 premiers depuis Debdou, normalement, c’est de la route. Ça, ça devrait encore aller, donc nous voilà partis confiants! On tombe rapidement sur de la bonne route de montagne à l’ancienne, avec des virages partout, un goudron incertain, et les 50 bornes nous prennent une bonne heure à parcourir.

Pour l’instant, la météo nous fout la paix. À l’entrée du premier tronçon de piste, ZZ Top & nous disons “bye bye” aux motos, qui vont rouler plus vite que les 4×4.

Akim-style: tout en drift!
Akim-style: tout en drift!

On les regarde partir, puis on prend la piste tranquilles, en prenant le temps d’admirer un peu le paysage. Quelques troupeaux de chèvres se baladent au milieu des arganiers.

Némo & moi sommes en train de débattre sérieusement pour savoir si Limp Bizkit est du rap-rock ou du métal alternatif, quand soudain, au détour d’un virage…

Devant nous se dresse un océan de boue. Quelques ornières plus profondes que les autres semblent baliser le chemin au milieu de mares de bouillasse s’étalant à perte de vue. Papy est d’ailleurs en train de furieusement y enterrer sa moto, pendant que Basti essaie d’aller l’aider.

On s’arrête pour aider Papy à déterrer son tank de 220 kilos d’un sol ayant la consistance d’un kouign-amann mal cuit. Nos godasses pèsent un kilo de plus à chaque pas hors des 4×4.

Alors que Basti & moi sommes en train de pousser Papy, J2KR revient, pour nous crier:

– C’est bon, dans cinq bornes c’est sec!

On se demande bien comment le gars a réussi à faire 5 bornes aller-retour en si peu de temps. On aide Papy à repartir, et on fait péniblement repartir les 4×4, en essayant de ne pas caler. Ça serait dommage d’avoir à utiliser les plaques de désensablage et les sangles de traction le premier jour.

Pour le pas s’embourber, il n’y a qu’une solution: garder de la vitesse, coûte que coûte! Nous voilà donc parti à fond de blinde dans une bouillasse infâme. Les motos comme les 4×4 jardinent joyeusement, sauf Papy, qui jardine en râlant.

Je vérifie de temps en temps si la piste ne secoue pas trop Némo. Faudrait pas qu’elle me vomisse partout dans la voiture le premier jour! Mais ça a l’air d’aller.

Ca va Némo? - Fuck Yeah!

On parcours les 5 kilomètres en descendant périodiquement pour aider Papy à relever sa moto. Une fois sorti de la boue, nous avons a peine parcouru 60 bornes au total, et il est déjà 11h… On fait donc une pause pour grignoter le stock de cacahuètes et de bières des 4×4.

Pour l’instant, les motards font encore les fiers, et rivalisent de qualificatifs grotesques pour leurs meules.

– j’te jure, je suis passé à 120!
– la meilleure moto du monde!
– non c’est la mienne, la tienne est trop lourde!
– mais arrête Basti! c’est pas une moto que tu as, c’est une Triumph!
– ouais, les seules vraies motos, c’est les KTM

Ce que personne ne regarde, en revanche, c'est si le jardinage dans la boue à été bien supporté par la mécanique
Ce que personne ne regarde, en revanche, c’est si le jardinage dans la boue à été bien supporté par la mécanique

On repart donc sur de la piste sèche, pour arriver dans une vallée de roches, une belle falaise au bout. Pour l’instant, la météo semble nous avoir oublié.

La piste est maintenant simple. Je demande donc à Némo si elle veut tenter le pilotage de notre char d’assaut.

Je pense qu'elle m'a viré de ma place avant que j'ai fini ma phrase!
Je pense qu’elle m’a viré de ma place avant que j’ai fini ma phrase!

Némo prend donc le volant, moi l’appareil photo, et on descend dans la vallée par la piste.

Là encore, le moindre filet d'eau est utilisé pour les cultures.
Là encore, le moindre filet d’eau est utilisé pour les cultures.

Vers 13h, on s’arrête pour bouffer, non sans que Némo ne tente un petit franchissement sur le bord de la piste. Les mômes du village nous regardent éberlués. Ils ne doivent pas voir tous les jours un 4×4 en équilibre sur 3 roues piloté par une femme.

Quand on rejoint les motos, ça fait beaucoup moins le mariole dans le clan KTM.  Les 3 motos ont explosé leur joints spis de fourche dans le peu de piste de ce matin. La boue séchée sur les tubes de fourche s’est transformée en abrasif, et a bouffé les joints. Les trois meules perdent maintenant doucement leur huile de fourche.

Pendant ce temps, Basti, boit du petit lait en contemplant sa Triumph, qui elle n’a aucun problème…

– Mais c’est pas “ready to race”, vos engins à 15000 boules, là?
– Basti, ta gueule!

Pour ne rien gâcher, le ciel semble soudain se souvenir qu’il a prévu de nous balancer un déluge biblique sur le coin de la gueule.

Oh oh, c'est bien noir au fond...
Oh oh, c’est bien noir au fond…

Entre sandwich, thé à la menthe, et tentatives infructueuses de réparation de fourche, nous repartons bien tard de la pause déjeuner, par un bout de route. Et lorsqu’on doit s’engager sur le second tronçon de piste:

  1. les 3 KTM n’ont plus aucun amortissement sur la fourche
  2. la météo a dépassé le stade de la pluie: il tombe des pierres de moulin
  3. la piste devant nous et ses alentours se sont transformés en torrents de boue
  4. la route semble encore surnager au dessus des flots, mais nous ne savons pas pour combien de temps

Les motards décident de contourner le bout de piste, qui se dirige droit vers le cœur du cyclone. On fait donc une boucle par la route qui contourne la piste par l’Ouest.

Bon, on s'est quand même pris une drache mémorable!
Bon, on s’est quand même pris une drache mémorable!

Une fois arrivés à Matarka, où nous devrions prendre le troisième et le plus gros segment de piste, celui tracé au satellite, il est déjà 16h. Il n’y a pas de station service, seulement de l’essence au bidon. Il n’y a aucun garage pour tenter de réparer les motos. Les nuages ne sont pas loin derrière nous. Et la perspective de monter un bivouac sous la flotte ne semble enchanter personne.

La décision est prise de contourner ce dernier segment de piste, cette fois par l’Est. On trace direction Tendrara, en espérant y trouver un logement et un mécano. A ce stade, nous espérons encore faire marche arrière demain matin et revenir à Matarka pour faire le dernier segment de piste. Manque de bol, il n’y a ni garage ni logement à Tendrara, ce qui nous oblige à faire encore 70 bornes vers le Sud-Est en direction de Bouarfa, bien loin du tracé prévu.

"Le Dieu, la Patrie, le Roi" à l'entrée de Bouarfa
“Le Dieu, la Patrie, le Roi” à l’entrée de Bouarfa

2 bornes avant d’entrer dans Bouarfa, un panneau 80km/h est posté en haut d’une côte. 200m plus bas, les Men in Bleu marocains, armés d’un radar jumelle chronomètrent notre panzer à 103km/h. J’essaie de négocier, mais les forces du Roi semblent peu réceptives à mon argumentaire…

Go fuck yourself with a cactus!

Nous voilà donc coincés une bonne demi-heure, à attendre notre PV. Nous repartons allégés de 300 dirhams, pour finalement rejoindre les motards, échoués dans un hôtel sur la rue principale de Bouarfa. L’hôtel est sympa, mais la population l’est nettement moins. Les ados mélangent des vulgarité en anglais, français et arabe pour nous manifester leur peu de joie de nous voir ici.

La nuit venue, le proprio de l’hôtel nous accompagne pour trouver un endroit où bouffer.

– bonsoir tavernier! est-ce qu’il y a moyen de manger un peu de viande grillée?
– certes, sahib! Voilà un fusil, allons chasser quelque chose!
– euh, tu n’as rien qui soit déjà tué?
– aaaaah tu veux du fast food, je comprends

Nous allons donc à une première échoppe, dans laquelle pendent des carcasses d’animaux, sur laquelle nous prélevons deux douzaines de côtelettes, et deux kilos de viande hachée. Pendant ce temps, JK2R part avec notre hôte chercher les épices à mettre dans la viande hachée. Ils reviennent, et le boucher entreprend de nous fabriquer nos keftas, là, devant nos yeux.

Une fois l’ensemble préparé, nous repartons pour trouver un gars avec un barbec’. Une fois celui ci trouvé, il faut qu’il rallume son feu, car il est déjà 22h, et il n’y a plus que nous dans les rues. Une bonne heure de torture olfactive s’écoule, pendant laquelle les odeurs de grillades viennent fouetter nos narines, mais la bouffe n’arrive toujours pas.

Nous finissons par engloutir la montagne de barbaque que le taulier nous amène. Une fois de retour à l’hôtel, il va falloir recalculer le parcours. Non seulement on a shunté une grosse partie de la trace d’aujourd’hui, mais nous sommes au moins 200 kilomètres trop à l’Est. Akim et moi nous collons derrière le laptop, il est 1h du matin, et il faut étudier les cartes.

JK2R, Papy & Némo sont déjà en train de ronfler. Les ZZ Top nous toisent bizarrement, avant de partir se coucher. Ils se demandent sans doute si tout ceci est bien normal, ou si nous sommes incapables de planifier correctement un trip.

– donc demain, vous savez où on va?

En fait, non, on n’en sais encore rien. Jusqu’à il y a 2 heures, ni Akim ni moi ne savions placer Bouarfa sur une carte. Basti, lui, semble néanmoins s’adapter rapidement au bordel ambiant. C’est lui qui répond:

– on verra!

Maroc 2018 – La carte est là

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