En ce beau matin du 6 Octobre, je me suis levé à l’aube, en tâchant de ne pas réveiller mes collègues ni par ma toux modèle “tuberculose de compétition”, ni le grincement de ma hanche modèle “craie sur tableau noir avec institutrice sadique”
Après un p’tit déj’ frugal (où Maître Cerf nous a répété qu’il mangeait pas le matin, en engloutissant ma portion de p’tit déj’) on s’est collé à la réparation de ma brèle.
Remplacement du maître cylindre de frein, découpe de la poignée car trop longue, environ 28 purges du frein, et on était enfin prêts à partir.
Vers 11h du matin. Encore un planning qui prend l’eau de bon matin, et Maître Cerf agite ses bois, on va se faire engueuler, donc gaz.
J’avoue ne pas trop me rappeler de la route du matin, je n’ai donc pas du tomber. Je me souviens de la pause, dans un gros village portant un nom qu’on va entendre tout au long du voyage: Oulmès.
Oulmès, trou perdu au Nord de l’Atlas, mais avec apparemment une source d’eau gazeuse unique au Maroc. C’est simple, au Maroc, quand tu veux de l’eau gazeuse, tu gueules:
OUÉLMÈS!
Et ça marche!
On se pose donc pour bouffer, en prenant bien soin de bloquer l’entrée de l’école avec nos bécane. Bon ils ont qu’à pas écrire “école” en cyrillique aussi. ‘fin bon, le flic était sympa, on a pu retourner manger sans les menottes.
Un bon Hippopotamus à la Marocaine. C’est à dire que l’hippopotame, il pendait à des crocs de boucher à environ 2 mètres de nous.
Là, Zoom se lève, et se barre pour tailler la bavette avec le boucher. Boucher qui parle Arabe, je rappelle. Mais Zoom nous dit
– s’pas grave, moi je parle le louchebem
Hé ouais, le Zoom, il a été boucher. Au fil du repas, on a appris qu’il a:
- commencé à débiter des bestiaux à 13 ans
- bu son premier verre de sang chaud à 14, après avoir abattu la vache avec un pied de biche (il avait tué la biche avec un couteau avant)
- gagné le sobriquet de “bourreau des charolaises” à 18 ans
- appris à débiter un bœuf en morceau en moins de 3 minutes avec un cure dent
Et il nous raconte tout ça, un cure-dent négligemment planté entre une canine et une incisive, et en nous montrant des morceaux de barbaque sanguinolente de la pointe de son couteau
– t’vois p’tit gars, beh là, la viande elle a pas assez faisandé!
Sur ce, Maître Cerf nous dit
– au fait, ce soir, bivouac!
Ah ouais, génial, je vais planter ma tente loin de celle du psychopathe, moi…
Avant de repartir, on fixe l’étape suivante à Khenifra. Ce qui enchante Midi134, qui nous répète depuis le début du voyage qu’il y a là bas la meilleure pâtisserie du Maroc.
Akim nous lâche un
– bah, à Khenifra, même s’il y a pas la pâtisserie, au moins il y aura les bordels, c’est le centre de prostitution du Maroc
Alors là je jure qu’on a TOUS pensé “mais enfin comment peux tu savoir ça”. Par contre on l’a mal retranscrit à l’oral, et je crois qu’on a sorti plusieurs variantes de “mais tu as une adresse précise?” ou “tiens, tu me passe le point GPS?”
Surtout qu’en arrivant à Khenifra, la pâtisserie était plus que moyenne. Midi134 nous dit que ça fait 20 ans qu’il vient là, mais que pour la pâtisserie. Ouais ouais ouais, et moi je vais à Amsterdam pour les tulipes.
On fait les courses, un bout de piste, la nuit tombe, et on plante les tentes et on commence à picoler.
Pendant que nous on mange et on picole, Midi134 et Zoom s’isolent autour de la bécane de Zoom, pendant littéralement une heure, en prétextant un levier de frein qui grince, ou un truc qui genre.
Ouais, le membre VIP du Dallas Club de la Joncqueira, et la version contemporaine de Jack l’éventreur qui discutent en loucedé pendant une heure, alors qu’on est au milieu de la forêt.
Vais pas bien dormir, moi…
