Nous voilà donc en direction de l’ouest, à travers le sable, les dunes, l’inconnu.
Ce passage, je l’ai manqué en 2015 et en 2016. Mais cette fois-ci, j’ai 4 roues, donc on va envoyer du bois! On tasse Papy à l’arrière entre 2 cartons, Némo prends le volant, et “Let’s roll!”

La route cède rapidement la place à de la piste sableuse.
Notre fer à repasser glisse joyeusement d’une ornière à l’autre, en soulevant un panache de poussière monumental derrière nous. Sans les talkies, il serait impossible de savoir si les ZZ Top sont encore derrière.

Le sable est partout. Je ne comprends toujours pas comment les motards peuvent rouler là dessus avec seulement deux roues, et garder un semblant de contrôle de leur machine.
Les paysages sont magnifiques. Nous y croisons des ânes qui nous regardent passer. Un peu comme les vaches dans le Limousin.
La trace GPS s’infléchit, et nous nous enfonçons dans une passe entre deux collines. Nous serons bientôt à notre première étape: Ba Hallou, une cité perdue.
Ce village abandonné au milieu du désert est une ancienne forteresse. Celle-ci a été construite par les portugais, sous le règne de Sebastião I, au milieu du 16ème siècle. Une fois abandonnée par les forces portugaises, la forteresse a été colonisée par les berbères.
Elle est protégée par une chaîne de montagne d’un côté, et l’oued m’birika de l’autre.
Cet oued est d’ailleurs à l’origine de son abandon définitif. Lors d’une crue exceptionnelle, une invasion de moustiques hors du commun a fait fuir les derniers habitants, et plus personne ne vit ici depuis une centaine d’année.

Aucune route ni piste n’y va, seuls les touristes y passent encore. Et qui dit touriste, dit business. En arrivant, nous faisons donc la connaissance de Hamid. Celui ci est en short, assis sur sa mobylette chinoise, au pied de la cité perdue, sans rien d’autre. Pas de bouffe, pas d’eau, rien!

Le paysage est magnifique. Si seulement nous avions un drone pour faire une photo aérienne. Manque de bol, Akim, enragé contre son drone qui ne voulait pas voler, l’a balancé de rage contre un mur à Merzouga hier soir. Il a maintenant un bras, un moteur et une hélice en moins… (le drone, pas Akim, essaie de suivre, un peu, ami lecteur!)

On bouffe et on boit au pied de l’ancienne forteresse. Hamid accepte un peu d’eau et quelques fruits secs. Ils nous dit qu’il peut nous faire traverser l’oued, et nous éviter un énorme détour. Mais il faut le suivre, car le lit de l’oued est couvert de sable fin, et sans lui, on sera vite perdus entre les dunes, ou ensablés, voire les deux.

Nous voilà donc repartis derrière Hamid, à fond au milieu des dunes, comme des gamins. C’est le seul endroit du voyage où le 4×4 s’est réellement ensablé. Une montée entre deux dunes a stoppé toutes les motos, mais également le fer à repasser. Obligé de reculer et redescendre pour libérer le châssis du 4×4. On n’a pu passer qu’avec de l’élan.

Il y a peu d’eau restant au fond de l’oued, mais elle sera l’occasion d’une pause. Assis à l’ombre avec Hamid, Basti lui demande
– Hamid, comment est-ce qu’on dit “tomate” en Marocain?
– Ça se dit “maticha”, pourquoi?
Basti interpelle Akim, qui est en train de haleter avec la chaleur ambiante.
– Hé, Maticha! Fais attention à la canicule, hein? A ton âge, tout ça, quoi… Ça nous a déjà coûté le lundi de Pentecôte, alors bon…


On a fini la traversée de l’oued sans soucis, et on rejoint la route de Tafraoute Sidi-Ali, où dirons au-revoir à Hamid.

Mais là encore, comme à Merzouga, les inondations nous ont bloqué le passage vers l’auberge. Là où nous avions pu rouler sur un énorme lac asséché en 2016, il y a maintenant une étendue d’eau de plus de 3 kilomètres devant nous. Le contournement nous prendra une bonne heure, au petit bonheur à travers un mélange de dunes et de roches.

A l’arrivée à l’auberge, le patron nous informe qu’il a à notre disposition:
- le WiFi
- de la bière
- une chicha
- de l’eau chaude
- de quoi faire un bon repas ce soir
Certains ont la force d’aller faire des photos du coucher de soleil dans les dunes.


En attendant le repas, nous nous installons au tour d’une table, faisons tourner la chicha, et JK2R lance un “blind test” musical, ou il faut trouver l’interprète et le titre du morceau de musique qu’on passe.
La chicha ne tourne pas toujours dans le bon sens: Basti et moi prenons notre temps lorsqu’elle arrive chez nous, et nous inversons plusieurs fois le sens de rotation. Ça nous permet de la garder bien plus longtemps sans nous faire remarquer.
A un moment, un morceau de Reggae passe, et Basti bondit, un peu chauffé par la bière et la chicha et s’exclame:
– Je connais, ça! C’est Marley!
– Marley, oui mais lequel? demande JK2R qui souhaite lui rappeler les règles du jeu
– Lequel? BOB Marley! T’es con ou quoi?

Après le repas, Némo et moi sommes allé faire un peu de light painting devant l’auberge

Mais la fatigue était là, et chacun est parti dormir, du sommeil du cuistre content de lui même et persuadé que rien ne peut lui arriver. En sortant de la douche, dans le noir, j’ai remarqué que j’avais un gros bleu sur la jambe
– Marrant, j’ai rien senti. La flemme d’allumer la lumière, je verrai ça demain matin…
