Au cours des derniers jours, Basti a été en contact quasi permanent avec son téléphone portable. Ses journées se sont généralement passées à attendre que quelqu’un de l’assistance lui dise comment il allait rentrer en France, où, et quand. En attendant, il conduit la KTM de Papy, qui squatte l’arrière du fer à repasser depuis Merzouga.
Le processus de rapatriement semble accélérer, et apparemment, il va nous quitter aujourd’hui ou demain. Quand on ajoute à ça que l’hôtel était désert, qu’il flotte toujours ce matin, et qu’on n’a plus que de l’autoroute pour rentrer, ça sent clairement la fin de voyage.
Néanmoins, il faut bien rentrer un jour, donc certains enfilent leurs combis de pluie pendant que d’autres s’enfilent un ou deux cafés de plus. Et nous voilà partis. Comme d’hab, pluie ou pas, les motos nous ont semés en quelques kilomètres
On se reverra à Meknès, une des quatre villes impériales du Maroc. Fort heureusement, le ciel a décidé de se remettre au bleu, ce qui nous permet de profiter d’une bouffe en terrasse au Pavillon Des Idrissides. La vue sur la place Lahdim est sympa, mais le service est bof, le prix bien trop élevé, et la bouffe quelconque. A éviter, donc.
Akim et Némo partent dans le souk acheter des plats à Tajine, alors que Papy et moi allons balader dans le Souk.
Il faut finalement repartir, car ce soir, nous sommes hébergés dans la famille de JK2R. La sœur de JK2R nous accueille chez elle ce soir, dans la petite ville de Souk Tlet El Gharb. Les motos partent donc rapidement devant, pendant que, tels Lucky Luke et Calamity Jane, nous fonçons sur notre destrier dans le soleil couchant.
Les motos sont bien entendu arrivées bien avant nous, donc une fois à l’entrée de Souk Tlet El Gharb, on appelle JK2R. Si Google est capable de nous emmener vers n’importe quel hôtel de la pnaète, il reste étonnement muet quand on lui demande “elle habite où la sœur de JK2R?”
Alors qu’on essaie de suivre les instructions de JK2R, et qu’on dévale sur la grande ligne droite à l’entrée du bourg, je suis obligé de faire un écart pour ne pas écraser des autochtones qui me font des grands signes
– mais c’est pas possible, ils sont débiles ou quoi, de se jeter sur le capot comme ça? je m’écrie
– c’est la sélection naturelle… maugrée Papy à l’arrière
– je crois que c’était les nôtres suggère Némo, qui regarde vers l’arrière d’un air pensif
– qui ça, les deux en djellaba que j’ai failli écraser?
On entend des éclats de rires sur le haut parleur de la voiture. On avait oublié qu’on était encore en appel avec JK2R.
– ah ces français, ça voit deux arabes sur le bord de la route, et ça fait un écart de deux mètres
On fait demi-tour, et effectivement, Basti et JK2R, sentant apparemment un peu trop le motard puant en arrivant, se sont fait piquer leurs fringues de moto par les sœurs de JK2R pour les laver. Ils sont donc en tenue locale.
Une fois installés, les sœurs, cousines tantes et nièces de JK2R nous accueillent comme des rois. Les théières chaudes arrivent non-stop, quelqu’un a cuisiné le meilleures m’semen que j’ai jamais mangé de ma vie, il y a des olives, du cumin, c’est la terrasse du paradis.
On profite de la machine pour laver notre linge aussi. Quand j’essaie de participer à l’étendage du linge sur les cordes, je me fais gentiment remballer. Je ne vais pas assez vite, et je casse le rythme de la cousine en charge du linge. 
On finit par passer à table, alors qu’on a déjà englouti l’équivalent d’un repas à l’apéro. On est tous bouche bée lorsque la sœur de JK2R nous emmène un couscous monumental. Nous sommes huit, il y a quatre poulets entiers qui font partie de la garniture du couscous!
Quatre…
Poulets…
ENTIERS!
Et la bouffe est juste sublime. Le goût du vrai poulet, qui gambadait encore dans le jardin il y a une heure (non, pour de vrai, il était encore dans le jardin quand on est arrivé!)
Bref, on mange bien au delà de ce qu’on devrait, et on s’empiffre de la meilleure bouffe qu’on ait eu de tout le voyage.
Alors qu’on engloutit un volume de bouffe mathématiquement supérieur à ce qu’un corps humain peut ingérer, JK2R rigole et lâche:
– gardez de la place, après c’est Tajine!
On rigole grassement, et on arrive péniblement à manger un tiers du plat de couscous
Puis la sœur de JK2R arrive avec un plat de Tajine au mouton. Le volume de Tajine est supérieur à ce qu’on avait dans le plat à Couscous. On dirait qu’un agneau entier a été utilisé juste pour ce plat…
Je décide de juste goûter, fermement décidé à ne pas aller au delà d’une bouchée. Mais la viande fond littéralement dans la bouche. C’est la meilleure viande de mouton que j’ai mangé depuis plusieurs années.
D’autres font l’expérience aussi. On arrive à la même conclusion: on ouvre les ceintures pour faire de la place, et on va manger le tajine aussi…
La fatigue et la digestion ont rapidement eu raison de nous. Basti va s’assoir pour attendre un coup de téléphone de son assurance, qui doit lui dire à quelle heure le taxi arrive demain matin. Il a tenu maximum 3 minutes avant de sombrer. On n’a pas tenu bien longtemps nous non plus.
