On part le matin randonner vers le glacier du Svinafellsjökul
Le sentier borde un à-pic assez vertigineux, et que les paysages sont éblouissants. Quelques cairns sont posés le long du sentier. Les échelles sont juste pharaoniques. La masse de glace est plus qu’imposante.
On voit toujours une foule de touristes, et les rares Islandais disent à peine bonjour. Ils sont assez facile à reconnaître, ils roulent dans des 4×4 aux roues surdimensionnées. Pour les amateurs, j’ai d’ailleurs pris les dimensions en photo, car je ne savais même pas que ça existait.

Et celui là faisait partie des pneus les plus “route” qu’on a croisé sur les 4×4 islandais.
Une petite pause à Foss á Sídu pour observer une cascade qui se ballade au grè du vent

Arrivée à Kirkjubæjarklaustur, que les locaux appellent “Klaustur”. On se demande pourquoi.
Je commence un peu à flipper ma race, car la piste prévue cet après midi est réputée pour avoir des gués à franchir. Et j’ai beau avoir monté un snorkel sur le 4×4, mon expérience des gués est, elle, au niveau zéro.
Ou, comme disait mon père,
Tu peux couper les oreilles d’un âne, ça n’en fait pas un cheval de course
On s’arrête au bureau de la ville à Klaustur pour demander conseil. Hospitalité Islandaise power:
– Bonjour, nous avons prévu de monter à Laki, pouvez vous nous dire comment est la piste SVP?
– Il y a des gués
– Oui, justement, vous pouvez m’en dire plus?
La préposée me montre une carte, trace vite fait le tracé des gués et leur position dessus
– Là faut serrer à droite, là faut serrer à gauche, et là faut suivre les piquets plantés dans la rivière. Bonne chance, et rappelez vous qu’aucune assurance voiture ne vous couvre si vous vous plantez dans un gué.
Je fais une dernière tentative polie pour essayer d’avoir une info personnalisée, et voir si nous on a une chance de passer.
– S’il vous plait, voilà ma voiture à moi. Vous qui avez de l’expérience, pouvez vous me dire si ça passe selon vous?
Elle soupire un grand coup, se lève de son guichet et vient jeter un œil 2 secondes sur notre voiture. Elle se retourne, je l’entends discuter avec sa collègue en Viking mais je ne comprends que les mot “SUV” et “snorkel”. Finalement elle retourne à son guichet en me lâchant un laconique
ça devrait

Armé des ces informations promptes à remonter mon niveau de confiance, nous voilà partis sur la F206, en direction de Laki. Le paysage est très islandais: de l’herbe, des cailloux, et quelques moutons.
On passe deux passages de flotte avec 10cm d’eau, les gamins et ma femme regardent ça avec dédain. J’ai même droit à un
C’est pour ÇA que tu as passé 4 jours à monter le snorkel sur le 4×4?
Moi, j’ai l’œil sur le GPS. Je sais que c’est pas ça. Et je la vois, la grosse ligne bleue qui croise notre trace sur l’écran du GPS, et qui se rapproche. Mais si j’ouvre la bouche, on va voir que j’ai les foies, donc je la joue stoïque
Arrivée au premier gué, il y a bien 30m à traverser. Le silence est de plomb dans la voiture. Personne ne la ramène.
On observe un Duster traverser en sens inverse, le gars a de la flotte au niveau de la portière. J’ouvre la fenêtre et fait un signe, pour lui demander son avis. Quand le gars arrive à ma hauteur, il s’arrête et me dit en bon français:
Salut, ça va?
OUF! C’est pas un Viking, j’aurais peut être des infos
– Bonjour, vous êtes montés jusqu’à Laki?
– Oui, on en revient, là
– C’est comment les gués sur le trajet?
– Bah on avait de l’eau jusqu’au milieu du pare-brise, pourquoi?
Là, j’ai entendu un hoquet de ma femme à côté, et je pense que j’ai voulu la jouer calme, mais intérieurement je me suis liquéfié
La femme du gars a ajouté au bout de 3 secondes
Mais t’es con Roger, regarde: ils flippent!
Ces enfoirés éclatent de rire et me disent:
Mais non, le plus profond est à peine pire que celui que vous venez de me voir passer. Ça passe à l’aise avec le Duster, sans snorkel, donc vous ça ira sans souci.
On vient de se faire troller en plein milieu de nulle part, par un français en Dacia Duster. Entre l’accueil glacial des Islandais et l’humour débile des français, je ne suis pas sûr de ce qui est pire
On se lance donc dans notre premier passage de gué, qu’on a essayé de filmer (à moitié pour nous, et à moitié pour que les policiers qui retrouvent nos cadavres sachent ce qui s’est passé), mais manque de bol, la vidéo est floue.
En gros, ça donne çà (cette vidéo est filmée sur la même piste, au même gué, mais ce n’est pas ma vidéo)
En gros, blocage du différentiel, boite 4×4 court, première, moteur à 4000 tours pour pas caler, et ça passe tout seul. On en passe 1, puis 2 puis 3 comme ça, et je commence à me dire que finalement c’est de la gnognotte, ces gués islandais.
On se pose le soir au camping de Laki, qui est tout simplement un cratère de volcan. On tombe sur un français qui est venu faire visiter l’Islande à sa gamine. Le gars refait avec sa fille le parcours qu’il a fait 30 ans plus tôt avec un ami.
Il nous dresse un panorama comparatif de l’Islande d’aujourd’hui, par rapport à ce qu’il a vu 30 ans auparavant. Son analyse coïncide avec notre sentiment de ces deux derniers jours: l’Islande est devenu un Luna Park pour les pseudo aventuriers comme nous. Il n’y a que dans des lieux reculés comme ici, à Laki, qu’on n’est pas assailli par les touristes.
A ce stade, il n’y a que deux véhicules sur le terrain. Eux, et nous. On sort les vélos, les cerf volants, et on regarde les gamins jouer, tranquilles au milieu de la nature.
Comme le montrent les photos, le terrain est immense, et il n’y a personne à part nous. Quand, vers 19h30, arrive un couple de touristes allemands en break. Déjà, je suis un peu vexé, car visiblement, je m’en faisais pour pas grand chose si le gars a passé les gués avec une Audi break.
Mais le pire, c’est que ces abrutis viennent s’installer à 5 mètres de ma tente.
Et là, je suis pas de bonne humeur.
Je me lève, et vais voir la jolie dame qui vient de sortir de son break, et le dialogue à donné à peu près ceci:
– excusez moi, mais vous faites quoi, là?
– euh et bien on va s’installer pour la nuit
– ici? Juste à coté de ma tente?
– euuuhh oui, mais…
– vu la place sur tout le camping, vous pouvez m’expliquer pourquoi vous venez camper juste à coté de ma tente?
– euh, ben, en fait, on pense que vous avez pris la meilleure place, parce que vous êtes abrités du vent
– peut-être, mais déjà vous racontez une connerie, vu que le vent vient de l’autre côté. Ensuite, même si vous aviez raison, pourquoi vous n’allez pas de l’autre coté du camping qui est abrité par les mêmes rochers?
Je devais sentir le fauve, avoir l’air crado, j’avais ma bière à la main, ma polaire pourrie sur le dos. Ma femme était morte de honte, mais merde quoi!
Bref, je les ai fait fuir.
Ce soir, normalement il y aura aucune aurore boréale. C’est dommage, car le ciel est dégagé, pour une fois
