J16 – Non mais à l’eau, quoi!

Ce 14 Août, on se réveille donc sur les bords d’un volcan, avec le ferme objectif de:

  • grimper au sommet
  • finir la piste faisant le tour du cratère
  • passer le dernier gué, celui supposé être “le pire” de la piste

Mais avant ça, je tiens à documenter quelque chose, pour que dans 1000 ans, on ait encore des preuves.

Vous avez vécu cette situation où votre femme prend toute la place dans le lit? Mais le matin, lorsque vous lui dîtes, non seulement elle nie les faits, mais en plus elle vous accuse vous de prendre toute la place?

Ben c’est des conneries! Et je peux le prouver! La ligne verticale jaune, c’est le milieu de la tente:

Si ça ce n'est pas un Anschluss sur ma moitié de la tente, je ne sais pas ce que c'est!
Si ça ce n’est pas un Anschluss sur ma moitié de la tente, je ne sais pas ce que c’est!

Sachant que ma femme lit le compte rendu, j’attends avec impatience le moment où je vais l’entendre râler.  Mais il faut rétablir la vérité historique, la seule, la vraie!

Une fois tout replié nous voilà donc parti vers le point le plus élevé de la chaîne de volcans.  La météo tourne à l’humide, ce qui va rendre sportif la grimpette au sommet, mais également le dernier passage de gué dans quelques heures.

Quelques kilomètres après le camping, la piste descend à flanc de montagne pour arriver sur un plateau immense, au relief très étrange.  La piste au fond du plateau semble serpenter entre des roches volcaniques aux formes biscornues.  Le plateau s’étale à perte de vue, pourtant on dirait qu’il s’agit du fond d’une caldeira.

Arrivée au pied du mont Laki, on rencontre la première Islandaise avenante du voyage: une Ranger.

En Islande, les Rangers sont des employés d’état assurant à la fois la surveillance et la sécurité dans les parcs nationaux, et l’accueil et l’information des touristes.

En discutant avec la sympathique (et jolie) Ranger, elle nous informe qu’on se trouve bien en plein milieu d’une caldeira, c’est à dire le centre du cratère d’un volcan.  Et ce cratère est en fait constitué d’une centaine de mini cratères qui se sont formés le 8 juin 1873, lors d’une éruption explosive d’une faille de 27 kilomètres.

Vous avez bien lu, en 1873, une faille de vingt-sept kilomètres de long s’est ouverte dans notre planète en explosant.  Il s’agit de la plus grosse éruption de lave des temps historiques! Les scientifiques estiment qu’il y avait des fontaines de lave faisant plus d’un kilomètre de haut!

Plus d’infos là: Lakagígar sur Wikipedia

Cette explosion de 1783 a eu d’énormes retombées partout en Europe.  En causant pendant plusieurs années des récoltes minables, une mortalité accrue des hommes et du bétail, des inondations diluviennes et des famines à répétitions en France, elle est une des causes de la Révolution Française.

Voilà une (grosse) photo de la partie sud ouest du cratère, prise depuis le sommet du mont Laki. En rouge c’est mon gamin.  On aperçoit les voitures garées au fond du cratère.  Sur la photo en pleine résolution, les flèches jaunes à droite et à gauche, c’est les bords du cratère au point le plus étroit.

Bref, cet exposé de la Ranger était fascinant, mais d’un coup, elle regarde derrière nous, s’interrompt brusquement, et nous dit:

Pouvez-vous leur dire de ne pas faire ça, s’il vous plait?

On se retourne calmement pour voir quelle connerie les gamins sont encore en train de faire.

En fait, un des gamins a franchi les limites du sentier.  Ces limites sont matérialisées par une petite cordelette.  Le minot se ballade sur la terre noire, au milieu de plantes à l’aspect rachitique.

Ce qui donne à la Ranger une autre occasion de nous expliquer notre environnement.  Dans ce pays, les plantes sont recouvertes de neige environ 10 mois par an.  Ce qui fait que leur croissance est extrêmement lente.  Ces plantes rachitiques sont plus vieilles que moi!  Un piétinement malencontreux, et c’est 50 ans de développement de la nature qui est tué.

La Ranger nous explique qu’ils ont de plus en plus de mal à préserver leur écosystème extrêmement fragile.  Mais d’un autre côté, le développement du tourisme de masse ne va pas arranger ça.  Surtout quand le marketing te vend l’Islande comme un pays où tu va te balader librement dans une nature sauvage!

Du coup on a pris quelques photos de ces plantes survivantes.  C’est assez surprenant, on a l’impression de voir un bout de bois mort, mais quelques fleurs dessus sont encore vivaces:

IT'S ALIVE!
IT’S ALIVE!

Mais l’interlude culturel devait tirer à sa fin, car son Devoir de Ranger appelait notre blonde érudite vers d’autres cieux.

Iceland Ranger to the rescue!
Iceland Ranger to the rescue!

Nous avons donc grimpé au sommet de Laki.  On peut tout le long de la montée observer des bizarreries géologiques.  Comme un mille feuille minéral, qui rappelle un peu les roses des sables qu’on trouve dans le désert.  Sauf que celui-ci fait plus d’un mètre cube.

Un morceau de colonne de pierre s’est effondré, et ressemble maintenant à une tête de mouton. Il abrite la faille dessous du peu de soleil qui doit briller ici, ce qui fait qu’on y trouve encore de la glace. Nous sommes, je le rappelle, un 14 Août.

Le panorama au sommet est bluffant.  J’ai mis plus haut une image de la partie sud-ouest.  Voici la partie nord-est.  Les petites aspérités à perte de vue, ce sont les montagnes qui restent de l’explosion de 1783

Comme le montre cette dernière photo, la visibilité commençait à devenir limite.  Suite à ce cliché, je repose l’appareil photo, et je prends le temps de jeter un œil tout autour de nous.

Et là, je m’écrie:

Fuyea, pauvres fous!

Un brouillard à couper au couteau arrive sur nous, Vitesse grand V.  Dans 30 secondes, on n’y verra plus rien!  On ramasse les sacs en urgence, et on redescend du sommet le plus vite possible.  Alors qu’on descend le sentier, on croise un groupe de touristes qui eux montent vers le sommet.  Je ne sais pas ce qu’ils en ont pensé, vu qu’à l’endroit où on les a croisé, la visibilité était déjà plus que de quelques mètres!

En arrivant sur le parking, on aperçoit un 4×4 qui m’a fait envie…  Si je fais discrètement l’échange avec mon Opel, verra-t-il la différence?

Il faut bien repartir un jour, et aller affronter ce dernier gué sur la boucle autour du cratère Laki.  Finalement, là aussi, ça passera sans difficulté.

Puis on repasse le gué intermédiaire, qu’on a passé à l’aller, hier.  Il faut longer les piquets plantés au milieu

Une dernière halte pour voir Fagrifoss, une cascade assez conséquente (depuis une plateforme d’observation au dessus du vide. Brrrrr…)

Cascade de Fagrifoss
Cascade de Fagrifoss

Et on repasse en sens inverse le premier gué, avec autant de nonchalance que le Français en Duster hier.  Le tout en blastant du IAM dans la voiture, car je suis Marseillais et fier de l’être, nà!

Comme on le voit sur la vidéo, à la sortie du gué, une voiture semble plantée en plein milieu.

Prenant l’exemple sur le français hier, je m’arrête, baisse la vitre, et demande si tout va bien.  Deux américaines avec un accent à couper au couteau (et pourtant j’ai habité 5 ans là bas) me demandent

C’est par là, pour rejoindre la route numéro 1?

Are you guys lots?

Ah, ben non, mam’zelle.  Par là, c’est des gués, des gués, des volcans et encore des gués.

Elles semblent vouloir aller jusqu’à Laki, puis redescendre, dans leur petit SUV urbain, avant le soir.  Il est déjà dans les 16h30, et hier il nous a fallu 3 heures rien que pour atteindre le camping de Laki!

Elles n’ont apparemment aucune idée des distances, et semblent aussi préparées à ce genre de trip qu’un candidat de télé-réalité à la dictée de Bernard Pivot.

On tente délicatement de leur faire comprendre qu’il n’y a aucune chance pour qu’elles fasse l’aller-retour en 3 heures, et que le gué devant elles est le plus simple de la piste.

Elles nous disent merci, et démarrent en direction du gué

En Islande, il y a un espèce de code, ou d’étiquette sur les pistes, qui est suivi par à peu près tout le monde: quand tu vois quelqu’un se lancer dans un gué, tu ne pars pas et tu surveille jusqu’à ce qu’il ait atteint l’autre rive sain et sauf. L’idée étant de pouvoir porter secours à quiconque se plantant au milieu d’un gué.

On regarde donc avec anxiété les deux yankees s’avancer vers le gué.  Au dernier moment, elles ont du avoir un éclair de lucidité, et elles font demi-tour.

J’avoue qu’on a été un peu soulagés, car je pense qu’elles auraient passé le premier gué, mais par contre, la suite de la piste…

Une fois de retour sur le bitume, on repart en direction du Sud-Ouest.  Il va falloir trouver un endroit où pieuter.  Ma femme trouve un camping dans le Routard à la description alléchante: un grand pré plat, une grotte aménagée pour les repas, un beau paysage.  Banco! 20 bornes plus loin on reprend une piste pour rejoindre le site du camping de Thakgil (ça s’écrit Þakgil)

Tout au long de la piste, la pluie devient de plus en plus forte, et on arrive au camping sous un déluge bien conséquent.  On va demander s’il reste des places dans les rares cabines en bois, mais évidemment, on n’est pas les premier à y penser, et tout est complet.

Toutes les photos du camping de Thakgil ont été prises le lendemain matin.  Le soir même, la pluie et l’obscurité donnaient une visibilité abominable.

On décide qu’au lieu des 3 tentes habituelles, on n’en plantera que deux, et pour un soir, les minots se tasseront dans la plus grande de leur deux tentes.

Il ne reste qu’à les planter.  Une première fois.  Puis l’eau monte sur le terrain, et on doit déplacer les tentes.  C’est là où je peste d’avoir une tente qui nécessite QUINZE sardines pour tenir correctement debout.

La fameuse grotte est bondée, car c’est le seul endroit à l’abri du déluge.  Pendant que ma femme essaie de préparer à bouffer, je fais des aller-retour sous la flotte entre la voiture et la grotte, pour amener tout les ustensiles, la bouffe, les loupiottes, etc…

Je suis trempé jusqu’au caleçon, mes pompes font “squouish” et “floc” à chaque pas et lors du dernier voyage à la voiture, je jette un œil sur les tentes…

… qui baignent dans 10 centimètres d’eau.  Ici encore, l’eau s’est accumulée.

Photo prise le lendemain matin.  Une grosse partie de l'eau avait déjà disparu
Photo prise le lendemain matin.  Une grosse partie de l’eau avait déjà disparu

Mesure d’urgence: je décide que les mômes vont dormir dans la voiture.  Je retire les sardines de notre tente, et je m’en vais au point le plus haut du camping essayer de trouver un endroit ou la replanter.

Il reste une zone en hauteur qui n’est pas déjà occupée.  J’y pose la tente, et à la première sardine, je comprend pourquoi c’était inoccupé: le sol est plein de caillasses.  Je foire la moitié des quinze sardines de la tente; ma température corporelle doit perdre 1 ou 2 degrés, à me traîner à 4 pattes sur l’herbe mouillée.

Une fois la tente plantée, je vais chercher la voiture et je la gare à coté de la tente

Photo prise le lendemain matin.  Une grosse partie de l'eau avait déjà disparu
Photo prise le lendemain matin.  Une grosse partie de l’eau avait déjà disparu

Je vais finalement bouffer en grelottant.  Avant d’aller me coucher, je vais prendre une douche en espérant me réchauffer un peu sous l’eau chaude.

Mais pas de bol, il ne reste que de l’eau glacée

“Les jeunes”, qu’on a rencontré sur le bateau, sont passé au même endroit le lendemain (le soir du 15 Août, donc).  Ils ont eu une météo superbe, et des aurores boréales pendant 2 heures.

Je vais me coucher, ou hiberner, je ne sais plus.  J’ai même pas regardé l’appli pour les aurores boréales, vu la météo.

Là, je m’en fous de tout, je veux juste qu’on me laisse aller dormir…

I need to sleep

J16 - Trace
J16 – Trace

Iceland for Dummies 2017 – la carte est là

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