J9 – Draa’s anatomy

Ce matin, autant être honnête, j’ai autant envie de me lever que de m’arracher un œil avec un pic à glace rouillé. Mon réveil et les multiples visites de JK2R, Basti ou Némo pour me motiver à me lever n’ont que peu d’effet.

Je finis par me traîner hors de la chambre, et cherche à rejoindre les autres au petit déj’. Eux sont déjà prêts à partir. J’en suis encore à me demander si je vais avoir la force de boire un café. Ma copilote s’inquiète, et proclame les 3 décrets suivants:

  1. aujourd’hui c’est elle qui conduit, je ne suis (je cite) “pas en état”
  2. les autres partent devant, on les rejoindra à l’étape de ce soir
  3. on ne fait pas le parcours prévu, mais on va à Ouarzazate, pour me faire examiner pour de bon dans un hôpital.

Je n’ai ni la force ni l’envie de lutter, surtout que je pense au fond qu’elle a raison sur l’ensemble des points. On regarde donc les autres partir à l’assaut du mythique col du Tizi’n Tazazert.

Je m’enfile un demi litre de café, et nous voilà parti par la route à Ouarzazate. On longe la vallée du Draa.

La palmeraie à la sortie de N'Kob
La palmeraie à la sortie de N’Kob

Puis les palmeraies de la vallée laissent la place à de la route de montagne. Là où les autres franchissent les premiers contreforts de l’Atlas par la piste, nous, nous devons le franchir par la route.

Arrivés à Ouarzazate, Nemo utilise le GPS pour nous diriger vers l’hôpital le plus proche. On se gare, et on entre dans un hôpital de campagne au milieu d’une population de boiteux et estropiés attendant de recevoir leurs soins. Tel un G.I. qui arriverait avec un ongle incarné le 7 Juin 1944 à l’hôpital d’Arromanches, je me sens plutôt déplacé, ici, avec mes pathétiques boutons. #ProblemesDeRiches me diraient mes gamins.

Chaque bâtiment est indépendant, avec une palmeraie séparant les bâtiments. On erre une demi-heure là dedans, en cherchant un service de dermato, quand un infirmier nous remarque et nous dirige vers un service d’accueil. Le service d’accueil nous explique qu’il s’agit ici d’un hôpital régional, pour la population des montagnes et de toute la région environnante.

– de toutes façons, on ne peut pas recevoir d’étrangers ici.
– mais pourquoi?
– ici monsieur, c’est le Croissant Rouge, un hôpital gratuit, payé par le Royaume, pour les gens habitant loin de la ville. Pour toutes les procédures administratives, et pour des soins plus complet il faut aller à l’hôpital Sidi Hssayne Ben Nacer

Je soupçonne que ça devait être la même chose hier à N’Kob. et que l’infirmier a du enfreindre pas mal de règles, en me faisant rentrer en douce, un dimanche, dans un hôpital fermé, et en me filant des médicaments gratos, sans laisser de trace papier.

Je doute qu'il vienne par ici. Mais si c'est le cas: un grand MERCI
Je doute qu’il ne passe par ici. Mais si c’est le cas: un grand MERCI

Nous reprenons donc le 4×4 pour quelques kilomètres dans Ouarzazate, et arrivons à l’hôpital principal de Ouarzazate. Il est plus proche de ce que nous connaissons en Europe: des immeubles séparés avec des fonctions spécifiques, et surtout, une Administration…

Si je résume, ça s’est passé comme çà

  1. On se perd, quelqu’un nous prend en pitié, et nous emmène à l’accueil
  2. L’accueil me dirige vers le service de médecine générale
  3. On fait la queue, dans ce qui nous apparaît de prime abord comme un bordel innommable mais semble en fait répondre à des règles de priorités que nous ne comprenons pas.
  4. Un infirmier finit par prendre mes papiers, inscrit mon nom sur un registre, et me dit que je dois aller à l’extérieur, au guichet numéro 3 pour régler les soins
  5. On ressort, et on trouve les guichets: il y a un guichet numéro 2 et un guichet numéro 4
  6. Je fais la queue au numéro 2, dans un nouveau désordre que je mets du temps à comprendre. Tout le monde est agglutiné en rond autour du guichet sur 10 mètres carrés.
  7. Chaque personne qui arrive tends ses papiers, et quelqu’un devant les lui prend. Vu que mes papiers, c’est mon passeport, je suis réticent à le passer à d’une foule d’inconnus. Donc je le garde avec moi.
  8. Je finis par comprendre la logique quand j’arrive a approcher un peu du guichet. En fait les papiers de chacun sont alignés sur une étagère devant le guichet, par ordre d’arrivée. C’est cette file d’attente de papiers qui matérialise l’ordre dans lequel chacun doit passer au guichet.
    Why? Why would you do that?
  9. Manque de bol, moi mon passeport est toujours dans ma main. Mon tour sera donc après tous les gars qui sont arrivés bien après moi, mais qui eux ont leurs papiers dans la file d’attente.
  10. Je tends mon passeport à un gars devant pour qu’il le pose dans la file.
  11. Le gars est devant moi depuis une bonne demi-heure. Il comprend que je n’avais rien compris au système. Il engueule les gens autour, et mon passeport se retrouve dans les premiers de la file d’attente.
    I like you!
  12. Je finis par arriver devant la préposée du guichet numéro 2, je tends mes papiers, j’explique mon cas, et elle me dit:

– c’est pas ici, il faut aller au guichet numéro 4

Pas de doutes, nous sommes là devant une administration à l’européenne, en pleine forme…

La procédure au numéro 4 est sensiblement identique, je règle les frais (dans les 20€, de mémoire), et je retourne voir le service de médecine générale avec mon reçu.

– Bien monsieur. Voilà la salle d’attente. me dit-il en me faisant rentrer dans une cour interne, avec palmiers, voiles d’ombrage et bancs en bois
– C’est beau, infirmier Mourad! je m’exclame
– Certes monsieur, mais comment savez-vous que je m’appelle Mou…
– Docteur Mourad, où dois-je déposer mon passeport pour marquer ma place dans l’ordre d’arrivée?
– Je suis infirmier, Monsieur, pas do…
– Chirurgien Mourad, où dois-je déposer mon passeport s’il vous plaît?
– Monsieur, vous êtes inscrit sur le registre. Pas besoin de procédures archaïques, pourquoi voulez vous déposer vot…
– Merci Directeur Mourad. Alors je vais attendre mon tour sur ce banc!

Je finis par entrer dans un bureau où je suis accueilli par une médecin. Je rentre, ferme la porte et m’assieds. Mais du monde entre et sort toutes les minutes de son bureau.

J’avoue avoir été saisi par un doute, un gros préjugé d’européen: dans un pays dont je ne connais pas les coutumes, ai-je le droit de tomber mon falzar pour exhiber (presque publiquement) mes pustules à une doctoresse?

Le doute est vite dissipé: d’un geste ferme de son crayon, elle me fait comprendre que j’ai intérêt à être debout et en caleçon dans les 3 prochaines secondes, sinon elle va me prescrire des lavements à base de chaux vive.

Oui M'dame!
Oui M’dame!

Elle jette un regard dubitatif sur mon épiderme boutonneux.

– effectivement, c’est pas beau
– vous n’êtes pas rassurante, Docteur….
– ça tombe bien, je suis docteur, pas psy
– …
– difficile de déterminer exactement d’où ça vient. Il faudrait plus de temps et d’examens. Je vais vous donner un traitement qui va soigner les plaques, et un anti-infectieux. Mais il faudra faire des examens en rentrant en France pour trouver la cause principale, OK?
Now! Get out!
– Chef, oui Chef!

Nous voilà reparti avec une ordonnance, vite convertie en nouveaux cachets et onguents à la pharmacie jouxtant l’hôpital.

Il est 14 heures, Némo et Papy commencent à avoir faim. Moi j’ai de nouveau envie de ronfler, surtout après avoir avalé la volée de nouveaux bonbons prescrits par la Temperance Brennan de Ouarzazate

Mes coéquipiers commandent kébabs et sandwichs dans un bistrot près de la pharmacie, et moi, je m’endors lamentablement devant mon assiette.

Pendant ce temps à Véra Cruz à Boumalne Dadès…

L’autre équipe est partie de N’Kob vers le Nord, et à franchi le Tizi’n Tazazert. La piste sur la face sud, déjà facile lors de notre passage en 2015, est presque devenue une route.

Roulant, mais glissant. Akim a posé sa moto dans ce virage
Roulant, mais glissant. Akim a posé sa moto dans ce virage
Pause au sommet du Tizi'n Tazazert
Pause au sommet du Tizi’n Tazazert
Vue vers le sud, depuis le sommet du Tizi'n Tazazert
Vue vers le sud, depuis le sommet du Tizi’n Tazazert

Par contre, la face nord, qui était en 2015 complètement défoncée, a été passée au bulldozer. Une route sera bientôt construite, comme au col de Belkacem.

Pour les touristes pseudo-aventuriers comme nous, c’est moins attrayant. Cela dit, on y vient 2 semaines par-ci par-là, mais on ne vit pas ici. Pour la plupart, après être allés voir de beaux paysages au Maroc, nous sommes bien contents de retrouver du beau goudron bien propre pour aller bosser le lundi.

La population locale, eux, sont les premiers à utiliser ces routes. Toute l’année, et par des conditions météo parfois terribles. C’est finalement une très bonne chose qu’ils puissent franchir l’Atlas sans devoir ajouter 200km de route pour contourner un col à la piste défoncée.

 

Akim heureux, une fois le mythique col franchi
Akim heureux, une fois le mythique col franchi

Les motards s’arrêtent à Boumalne Dadès pour arroser ça.

Lorsqu’ils appellent pour voir où nous en sommes, nous venons à peine de de nous attabler après l’hôpital. Je venais d’attaquer ma sieste devant l’assiette.

Les motards et les ZZ Top repartent donc avec environ 2h d’avance sur nous, pour remonter les gorges du Dadès.

Le lépreux et ses amis reprennent la route

Quelqu’un a fini par me secouer et me décoller la tête de mon assiette, et nous voilà reparti vers le Nord, pour rejoindre l’autre équipe à l’étape du soir. Il s’agit de l’Auberge Assaka, que nous avions découvert par hasard en 2015.

La montée par la route le long des gorges du Dadès est toujours aussi magnifique.

Les formations rocheuses au sud des gorges
Les formations rocheuses au sud des gorges
Les mêmes deux heures plus tard, depuis notre 4x4, le ciel a viré gris.
Les mêmes deux heures plus tard, depuis notre 4×4, le ciel a viré gris.
Un ancien ksar, posé sur un piton rocheux
Un ancien ksar, posé sur un piton rocheux
De la terre et de la roche de toute les couleurs
De la terre et de la roche de toute les couleurs

Nous nous arrêtons pour faire la traditionnelle photo des lacets au dessus des gorges. Un gars le long de la route sort un drone et va faire des photos. J’avoue avoir été un peu jaloux, car si je transporte bien un drone dans le 4×4, celui-ci est en 3 morceaux depuis qu’Akim l’a balancé dans le mur de l’auberge à Merzouga.

En bas des lacets
En bas des lacets
Et depuis le haut
Et depuis le haut
Et un autre motard heureux!
Et un autre motard heureux!

L’altitude augmente rapidement, la température chute en conséquence.

Nous rejoignons enfin les autres à l’auberge.

Les motos nous attendent sagement à l'intérieur
Les motos nous attendent sagement à l’intérieur

Ziton est en train d’agoniser dans sa chambre. Il est allé se coucher, toujours terrassé par la tourista. Une des personnes de l’auberge, croyant bien faire, a allumé la cheminée de sa chambre. Mais le tirage étant mauvais, la chambre s’est rapidement remplie de fumée.

Zora, en allant voir comment il allait, l’a probablement sauvé en ouvrant immédiatement les fenêtres.

Basti, lui, dort à même le sol dans la salle du repas, enveloppé dans deux couvertures. Il n’a même pas enlevé ses habits de moto. Il s’est posé là il y a plusieurs heures, et il ronfle bruyamment. La tourista l’a encore frappé.

Le gars de l’auberge nous sert un couscous monumental, une chicha, et nous ravitaille en thé à la menthe toutes les 10 minutes. Il nous montre comment démarrer la cheminée, qui est en fait un poêle rocket fait maison!

Il nous explique qu’isolé comme est son auberge il voit parfois des gens connus venir chez en retraite pendant quelques jours. Il a un groupe de musique qui va régulièrement le voir.

– Je sais plus comment ils s’appellent? Mais ils sont super connus!
– Les Rolling Stones?
– Non, deux mecs avec de grandes barbes. Leur morceau le plus connu parle d’un hangar, ou d’une grange
– Tu déconnes, là?

Et non, le gars ne déconne pas. Ils nous montre une photo de son téléphone portable, avec lui et les vrais ZZ Top… Si Zora et Ziton n’étaient pas déjà allés dormir… On essaie d’expliquer l’ironie, mais ça ne passe pas la barrière de la langue. Dommage.

Je n’ai quasiment rien mangé depuis Tafraoute, il y a 36 heures. Je suis affamé et je m’enfile donc un mètre cube de couscous. Ça, puis la chicha ont ajoutent une bonne dose de somnolence à mon organisme déjà épuisé. Les médocs de cheval prescrits à Ouarzazate m’achèvent. Je vais m’effondrer dans ma chambre, et sombre immédiatement dans un sommeil profond.

J9 - Trace
J9 – Trace

Maroc 2018 – La carte est là

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